Sorcellerie

Je suis prisonnier.

Depuis un an maintenant, je suis enfermé. Ma famille s’occupe de moi, mes parents, mes sœurs viennent me voir. Ils s’occupent de moi, ils me parlent, me racontent leur journée. J’aimerai participer, mais je suis enfermé.

Hier, maman est venue me voir avec un livre que je ne connaissais pas. Harry Potter à l’école des sorciers. Chaque jour, elle me lit un chapitre, elle m’aide à m’évader, à oublier un peu mon isolement.

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Cela fait maintenant un an que je lis à mon fils les aventures des petits sorciers. Je pense qu’il y croit. Qu’il rêve, lui aussi, de recevoir une lettre le jour de ses onze ans, lui annonçant qu’il est un sorcier. Son anniversaire est la semaine prochaine, et je n’ose imaginer sa déception. S’il était sorcier, il pourrait s’enfuir. S’extraire de cette prison. Cela n’arrivera pas.

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Hier, Quentin a eu onze ans. Il n’a pas reçu sa lettre de Poudlard, mais il s’est libéré de sa prison. Lui qui était un simple spectateur dans son corps paralysé, a pu s’échapper de la seule manière possible. Peut- être était-il un peu sorcier, finalement.

De l'origine des lucioles

Ma maman m’a raconté une histoire un jour. J’étais petite, mais je m’en souviens bien, parce qu’on était dans le jardin à attendre le début d’un feu d’artifice. Je m’étais approchée d’un buisson, et j’avais aperçu une luciole. C’était la première fois que j’en voyais une, et j’ai eu la réaction qu’ont tous les enfants quand ils font une découverte.

J’ai crié pour dire à mes parents de venir voir ma « trouvaille ». Evidemment, le temps qu’ils arrivent, la trouvaille en question avait disparu. Et c’est à ce moment que ma maman m’a raconté l’histoire dont je vous parle.

Vous saviez, vous, que les lucioles ne sont pas des insectes ? Non, je suis sûre que vous ne le saviez pas. Les adultes ne savent pas ce genre de choses.

Les lucioles ne sont pas des insectes. Ce sont des fées. Oh, vous pouvez hausser les sourcils, et afficher le sourire en coin de « ceux qui savent ». Mais que vous me croyiez ou non, les lucioles sont des fées. Elles parcourent le monde, à dos d’oiseaux, et répandent leur poussière de fées sur les enfants qui croient en elles. Cette poussière, plus fine que la poudre la plus fine du monde, permet aux enfants de croire en leurs rêves.

Et si vous pensez que les lucioles ne sont pas des fées, c’est surement parce que vous n’avez jamais été saupoudré de leur poussière magique… 

Quand je serais grand...

"Quand je serais grand, je serais Canadien !" Combien de fois avais-je pu répéter cette phrase ? J'avais vu à la télé un reportage sur le Canada. La neige, les bucherons, le sirop d'érable. J'étais fasciné.

Alors j'avais décidé que je serais Canadien.

Mes parents ont utilisé mon rêve. Ils l'ont gâché. Ils me l'ont agité sous le nez comme on secoue une carotte devant un âne pour le faire avancer. "Si tu fais tes devoirs, tu pourras devenir Canadien." Hop ! Je faisais mes devoirs. "Si tu ranges ta chambre, tu pourras devenir Canadien." Hop ! Je rangeais ma chambre.

Je n'ai pas réalisé mon rêve. Il était gâché, appauvri. Il ne me donnait plus la force de me battre.

J'ai un nouveau rêve. Mais celui-là, je ne laisserai personne l'utiliser contre moi. Quand je serais grand, je serais un héros. Mais chut... C'est un secret !

Mots imposés : carotte, canadien, une onomatopée. 

Course infinie

J'ai toujours aimé la nuit. L'obscurité, la tranquillité, la discrétion. Le silence. Personne ne me voit, personne ne m'entend. Je cours. A grandes foulées, sans but précis, je cours.

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Quelque chose ne va pas cette nuit. Un décalage. Une vibration dans l'atmosphère. Ils me suivent. Je le sais, je le sens. Ils ne me rattraperont pas.

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J'accélère. Ils m'ont presque attrapé la nuit dernière, cela ne se reproduira pas. Je sais pourquoi Ils me poursuivent. Ils veulent m'enfermer, m'observer, m'analyser. J'ai besoin de ma liberté.

Je cours pour le plaisir, sans autre but qu'atteindre la plénitude que m'accordent mes courses sous l'œil de la lune.

Je cours, et je m'abreuve du silence, je tire mes forces de cette lune qui mène sa propre course au dessus de moi. Elle est pleine ce soir. Je ralentis pour l'observer, puis repars, en allongeant encore ma foulée.

Personne n'attrapera le Renard.

Mots imposés : lune, renard

Ethan

Si vous pouviez rentrer dans les rêves d’Ethan, lorsqu’il est endormi, vous verriez des choses surprenantes. Pas de dragons, pas de chevaliers, de princesses à sauver, d’animaux fabuleux et imaginaires. Pas de superpouvoirs, de héros. Pas de maisons en chocolat, ni de nuages en guimauve.

Si vous pouviez entrer dans ses rêves, vous verriez des choses que d’aucuns qualifieraient comme sans intérêt ni imagination. Vous verriez un petit garçon aller à l’école, lever la main pour répondre à la maîtresse, aller à la cantine, jouer avec d’autres enfants pendant la récréation.

Rien de fantastique, rien d’incroyable. Vous pensez que ce sont des rêves ennuyeux ? Ce sont les rêves d’Ethan.

Il n’a pas conscience de rêver, et en se réveillant le retour à la réalité sera douloureux. En se réveillant, la première chose que verra Ethan est le moignon déchiqueté de sa jambe. Il se souviendra de la mine qui l’a estropié.

Ethan est un enfant soldat, et ses rêves ne se réaliseront jamais. Il continue à rêver pour oublier que, ce soir, il sera mort.

Et pourtant, elle tourne

En 2012, la planète va mal. A l'heure de la révolution numérique, du développement d'Internet, de « l'accès à tout, tout de suite », on est tenté de se plonger dans ce monde sur-connecté. On oublie sa journée de travail en « chattant » avec des inconnus, on partage de la musique, des films, des images. On va sur Facebook, compter ces amis qu'on ne connaît pas, et à qui on ne parle jamais. On se connecte sur Twitter, pour suivre la vie - beaucoup plus intéressante que la notre - de stars ou d'anonymes qu'on ne rencontrera jamais.

On fuit.

On fuit la politique, qui paraît ne faire qu'empirer les choses. On fuit la misère du monde. Le sans-abri qu'on n'a pas osé regarder dans les yeux ce matin. Les images d'enfants affamés qui passent aux infos. On zappe, on se sent coupables, alors on fuit. Certains trouvent la force de lutter, pour tenter de rendre ce monde moins mauvais.

D'autres ont baissé les bras, et ne supportent plus le manque de sens des actions soi-disant humanitaires.

A l'ère d'Internet, au lieu de profiter de cette connexion, on ne s'est jamais senti si seuls.

On a l'impression que la Terre tourne à l'envers.

Et pourtant, elle tourne.